Difficile à dire tant les légendes et rumeurs s’entremêlent, à propos de ces deux pierres que d’aucuns considèrent comme n’en faire qu’une.

 

« Le Bleu de France », aussi appelé « Bleu de la Couronne », diamant de 68,9 carats, d’un bleu profond (bleu de France), de forme coussin et mesurant 31 x 24,81 x 12,78 mm, reste, à ce jour, le plus gros diamant bleu qui ait été connu au monde.

Selon la légende, il aurait été dérobé en Inde sur une statue de Shiva (ou Vishnou) qui aurait alors jeté une malédiction de mort violente à ses futurs possesseurs. C’est l’explorateur Jean-Baptiste Tavernier qui le ramena d’Inde en 1668 et le vendit à Louis XIV. Le diamant aurait été extrait d’une mine de Kollur dans la région de Golconde en Inde vers 1610 et revendu, plus tard à Tavernier, d’autant plus sans difficulté que sa couleur était alors considérée comme maléfique par l’Islam. Selon les dessins et annotations de l’époque, la pierre brute pesait 112,16 carats et mesurait 32,89 x 27,65 x 12,92 mm.

En 1671, Louis XIV demanda à Jean Pittan, joaillier de la cour, de tailler la pierre. Celui-ci mit quatre ans à réaliser son chef-d’œuvre lapidaire de 72 facettes, pierre remarquable et unique par sa taille parfaite « en rose de Paris », sa géométrie, son éclat, sa couleur et son poids qui n’était plus désormais que de 69 carats.

 

Le diamant bleu de France inclus au centre de la toison d'or

Le diamant bleu de France inclus au centre de la toison d’or – Dessin par Lucien Hirtz – 1889

En 1749, Louis XV, est fait Chevalier de l’Ordre de la Toison d’Or et « Le Bleu de France » est inclus au centre de la magnifique parure de couleur, insigne de cet ordre, qu’il fait réaliser par Pierre-André Jacquemin. Louis XVI portera à son tour cette parure, notamment lors des Etats Généraux de 1789 et, au vu de l’histoire, il semblerait que ce fut avec lui qu’eût débuté la malédiction de mort violente…

 

Du 11 au 16 septembre 1792, le Garde Meuble de la Couronne à Paris (actuellement l’Hôtel de la Marine Place de la Concorde) est mis à sac et les Joyaux de la Couronne volés sous l’œil bienveillant des Gardes Nationaux. La parure disparaît donc à ce moment-là mais est retrouvée en 1795, pour disparaître à nouveau peu après, et ce, de façon définitive.

Selon les sources, la parure serait passée soit en Angleterre, soit à Constantinople pour être démontée afin de ne pas être reconnue et éviter les poursuites. Un marchand ambulant nommé Cadet Guillot aurait ensuite revendu « Le Bleu de France » au collectionneur et banquier Thomas Hope.

 

C’est le 19 septembre 1812 – soit, très précisément, vingt ans et deux jours après le vol des joyaux – que « surgit » miraculeusement à Londres un diamant bleu ovale de 45,5 carats présenté par John Francillon, lapidaire, avec l’autorisation d’un négociant en diamants, Daniel Eliason, tous deux londoniens. Cette apparition – pour le moins inattendue – se produit providentiellement deux jours après le délai de prescription de la mise à sac du Garde Meuble et du vol des Joyaux de la Couronne.

 

L’hypothèse est émise qu’il s’agit d’un diamant retaillé pour masquer sa véritable identité. Hypothèse corroborée seulement en 1856 par le joaillier parisien Charles Barbot qui déclare que ce « nouveau » diamant, désormais appelé « Le Hope », du nom de son propriétaire, serait en fait vraisemblablement retaillé du « Bleu de France ».

 

Malédiction ou non ? Thomas Hope connut des revers de fortune importants et l’un de ses petits-fils mourut ruiné. Le diamant resta dans la famille Hope jusqu’en 1901 où l’un des derniers héritiers de Thomas s’en débarrassa en le vendant pour se soustraire à la malédiction.

Pendant seize ans, le diamant passe alors de mains en mains et recommencent les morts violentes. Le premier à l’avoir racheté est Jacques Colet : il se suicide peu après. Un prince russe, Ivan Kanitovitch, propriétaire suivant est assassiné. En 1908, « Le Hope » est revendu au Sultan turc Abdul Hamid qui l’offre à sa concubine, mais il fait exécuter celle-ci peu après pour trahison et est, quant à lui, destitué et chassé de son pays par son peuple en 1909. Puis c’est dans un accident de voiture que meurt, avec sa femme et sa fille, un joaillier grec : Simon Montharides. Un autre collectionneur, Selim Habib, trouvera la mort par noyade…

 

En 1910 « Le Hope » est acheté par Simon Roseneau, joaillier parisien, et revendu en 1911 à Pierre Cartier lequel le cède aussitôt à la riche héritière américaine Evalyn McLean qui finira ses jours dans la misère, « Le Hope » étant vendu pour solder ses dettes après sa mort en 1949.

 

Harry Winston, le rachète alors et en restera propriétaire jusqu’en 1958 date à laquelle il en fera don au Smithsonian Institute de Washington en lui faisant parvenir le diamant dans une simple enveloppe kraft. Depuis, « Le Hope » est exposé au Smithsonian où l’on peut l’admirer.

 

A partir de 1856 et l’affirmation de Charles Barbot disant que « Le Hope » était issu d’un autre diamant retaillé, de nombreuses recherches ont été menées afin de déterminer si le diamant en question était bien « Le Bleu de France » ou non. Bien sûr, comme dans toutes recherches, les résultats furent contradictoires selon les sources, soulevant plus de controverses que de réponses réelles. Jusqu’à ce qu’en décembre 2007, au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, le professeur de minéralogie François Farges ne découvre le moulage en plomb du diamant bleu de Louis XIV, lors de l’inventaire de pièces anciennes. L’étiquette minéralogique du plomb indique qu’il a été donné par le joaillier Charles Achard et que « M. Hope de Londres », son client, possèderait  le diamant.

 

Jusqu’en avril 2009 François Farges et Scott Sucher font des recherches et travaillent sur la reconstruction du diamant royal. Ils utilisent un logiciel de modélisation en 3D et comparent le modèle en plomb avec « Le Hope » : les deux entrent parfaitement l’un dans l’autre au millimètre près. Ils ont donc prouvé, hors de tout doute, que « Le Hope » est bien issu de la retaille du « Bleu de France » : ils ne sont qu’une seule et même pierre.

 

Grâce à ces découvertes et les technologies actuelles, la réplique exacte du « Bleu de France » a été réalisée en zircone par Scott Sucher, lapidaire et spécialiste mondial des reconstitutions de diamants et pierres historiques.