Deux mois après, Norma Jean Baker était retrouvée morte dans son lit. Six mois plus tard, JFK était assasiné à Dallas . En 2016, blogueurs - tel Jake Ehrlich - et experts tentent toujours de faire parler le numéro de série de cette Day-Date qui, selon les uns, daterait bien de 1962 mais qui, d'après les autres, aurait été fabriquée en 1965…
Peu importe, finalement. Tant le numéro un mondial de la montre de luxe, qui, selon nos estimations, produirait entre 800.000 et 900.000 pièces par an, tire sa force d'un passé qu'il n'a jamais ni renié ni réinventé. «No comment» pourrait être le motto de cette maison indépendante qui, selon les vœux de son fondateur, est régie par une fondation (dont la structure juridique pourrait s'apparenter, en France, à une association loi 1901 à but non lucratif). Ainsi, non seulement Rolex n'est pas coté en Bourse mais ses statuts stipulent que la marque ne peut être vendue à un tiers.
À l'origine du succès mondial du genevois, il y a un Bavarois, Hans Wilsdorf, qui fonde en 1905, à Londres, sa société spécialisée dans la distribution de pièces d'horlogerie. Trois ans après, il invente le nom de Rolex, contraction semble-t-il d'horlogerie exquise, prononçable dans toutes les langues. Convaincu de la mort prochaine de la montre de poche, ce visionnaire pragmatique décroche, en 1910, le premier certificat de chronométrie suisse attribué à une montre-bracelet. Ses modèles sont précis mais Wildsorf les veut aussi robustes. Donc imperméables à toute intrusion extérieure. L'entreprise s'installe à Genève et sort, en 1926, la première montre étanche de l'histoire, l'Oyster. Une «huître» dont la célébrité est établie en 1927 lorsqu'elle traverse la Manche au poignet de la nageuse anglaise Mercedes Gleitze.
Quatre ans après, la marque peaufine son invention en développant et brevetant le Rotor Perpetual, premier mouvement automatique à rotor, précurseur des montres automatiques d'aujourd'hui. Les jalons du mythe sont jetés. Il se construit sur la Datejust, première du genre à afficher la date (1945), la Submariner, première montre étanche à 100 mètres de profondeur (1953), le chronographe Cosmograph Daytona (1963). Et bien évidemment la Day-Date, première montre-bracelet à donner le jour de la semaine en toutes lettres (1956). «Avec ce modèle, Hans Wilsdorf perfectionne son calendrier. Il considérait que la date et le jour constituaient les deux indications les plus utiles étant donné qu'elles changent quotidiennement. La Day-Date est pensée par Wilsdorf comme étant une Oyster Perpetual de haut niveau, un chronomètre superlatif offrant une fonction particulièrement nécessaire aux personnalités amenées à assumer des responsabilités. Elle s'est imposée comme la montre des présidents», affirme-t-on au siège de la société. D'ailleurs, la marque à la couronne ne s'est pas privée - une fois n'est pas coutume - de le rappeler en lançant en 2013 une campagne publicitaire mettant en scène les grands de ce monde portant l'un de ses modèles.
Au printemps dernier, à la foire de Bâle, Rolex a offert à sa fameuse Day-Date un nouveau visage et un nouveau mouvement. Quatorze brevets ont été déposés pour le calibre automatique 3255 développé dans sa manufacture. «Lorsqu'il est emboîté, le 3255 affiche une variation de - 2/+ 2 secondes par jour, ce qui est une prouesse quand on sait que le Contrôle officiel suisse des chronomètres certifie les mouvements qui varient entre - 4/+ 6 secondes par jour», explique un ingénieur. En prime, ce calibre flambant neuf est flanqué d'un échappement surdoué, qui offre un rendement 15 % supérieur à celui d'un échappement à ancre suisse classique. Il est également résistant aux chocs, aux champs magnétiques et, semble-t-il aussi, aux fluctuations des conjonctures économiques. «La Day-Date est une montre intemporelle, universelle que tout le monde rêve de porter à son poignet, affirme le détaillant parisien Patrice Dubail, qui vient d'ouvrir un très chic magasin multimarque sur les Champs-Élysées, à Paris. Son cadran, d'une simplicité biblique, ne livre que des informations essentielles: l'heure, la date, le jour. C'est pour cela qu'elle demeure indétrônable.»